«Nous devrions envisager de conférer une personnalité juridique aux animaux, aux plantes, aux paysages.»

Pour le journaliste environnemental et «père» de l'Initiative pour les glaciers, Marcel Hänggi, le monde est sur le point de basculer au niveau climatique. Il s'engage pour une interdiction des combustibles et carburants fossiles et exige pour la Suisse une constitution adaptée à l'environnement. Les générations futures devraient y avoir une voix plus forte. Les animaux, les plantes et les paysages sont appelés à devenir des personnes juridiques.

 

Marcel Hänggi, journaliste et militant pour le climat

Daniel Graf: Mettre la Suisse sur la voie du climat! C'était le slogan de l'initiative sur les glaciers que tu as contribué à lancer. Où en sommes-nous aujourd'hui?

Marcel Hänggi: Avec la loi sur la protection du climat qui a été adoptée en 2023 en tant que contre-projet à l'initiative pour les glaciers, nous avons fait un pas en avant. La Suisse a désormais inscrit dans la loi qu'elle veut réduire ses émissions à zéro net et abandonner en grande partie l'utilisation du pétrole, du gaz naturel et du charbon. C'est une bonne chose. Mais en même temps, la situation s'est extrêmement aggravée, le réchauffement de la planète s'est massivement accéléré au cours des derniers mois.

 Daniel Graf: Quelles en sont les conséquences?

 Marcel Hänggi: Nous risquons de franchir des seuils de basculement du système terrestre – avec des conséquences irréversibles. Que faisons-nous lorsque l'on se rend compte que les émissions devraient baisser beaucoup plus rapidement? Comment nos institutions surmontent-elles les conséquences de crises environnementales graves? Comment sortir d'un mode de vie qui consomme beaucoup plus de ressources par personne que ce à quoi nous pourrions prétendre? Nous n'avons pas encore de réponses à ces questions. «Malheureusement, la Suisse est encore loin d'être sur la bonne voie en matière de climat».

 Daniel Graf: L'Initiative pour les glaciers voulait inscrire dans la Constitution l'objectif net zéro pour les émissions de gaz à effet de serre. Grâce à la loi sur la protection du climat, cet objectif est désormais inscrit dans la loi. Y parviendrons-nous?

 Marcel Hänggi: Il n'y a qu'une seule raison pour laquelle nous pourrions ne pas y parvenir: le manque de volonté. Les émissions mondiales doivent atteindre le net zéro au plus tard en 2050, il n'existe aucune alternative. Pourquoi précisément la riche Suisse, avec ses institutions stables, ne pourrait-elle pas réussir ce qui doit être réalisé au niveau mondial?

 Daniel Graf: Lorsque je feuillette la Constitution fédérale actuelle, le terme de protection du climat n'y figure même pas. En revanche, il y est stipulé que les «bases naturelles vitales» doivent être préservées. En théorie, cela sonne bien. Comment évalues-tu la mise en pratique?

 Marcel Hänggi: La préservation des bases naturelles de la vie est non seulement inscrite dans la Constitution, mais c'est aussi un but de la Confédération. C'est une bonne chose, même si je n'aime pas beaucoup la formulation, surtout dans la version française qui parle de «ressources naturelles». L'environnement ne fournit pas seulement des «ressources», il doit être reconnu dans sa valeur intrinsèque. Mais le plus gros problème, c'est que nous avons cet objectif national et que nous agissons constamment contre ce dernier!

 Daniel Graf: La Suisse est une sorte de laboratoire démocratique, y compris en matière de protection de l'environnement et du climat. Chaque canton se dote de sa propre constitution. Existe-t-il au niveau cantonal des articles que tu souhaiterais voir figurer dans la Constitution fédérale?

 Marcel Hänggi: Oui bien sûr, plusieurs. Bâle-Ville a un objectif net zéro pour 2037. Genève a un droit fondamental à un environnement sain. Et le Valais a élaboré une constitution qui exige le respect des limites planétaires. Il ne reste plus qu'aux Valaisannes et aux Valaisans à dire oui à cette Constitution le 3 mars prochain.

 Daniel Graf: Si tu pouvais proposer trois autres modifications pour une Constitution fédérale respectueuse de l'environnement, qu'est-ce qui figurerait en tête de ta liste?

 Marcel Hänggi: Les intérêts des générations futures ont besoin d'une voix – par exemple sous forme d'un Conseil de l'avenir ou du développement durable avec des compétences clairement réglementées. Nous devrions envisager de conférer une personnalité juridique aux entités naturelles non humaines – animaux, plantes, paysages. Et nous avons besoin d'une Cour constitutionnelle.

 Daniel Graf: Un sujet qui te préoccupe également est celui des conséquences des crises environnementales multiples sur la démocratie. Tu parles de la nécessité de rendre notre société plus résiliente. Qu'entends-tu par là?

 Marcel Hänggi: Aujourd'hui, la politique environnementale signifie que nous protégeons l'environnement des influences humaines néfastes. Mais nous devons également protéger les personnes et nos institutions des conséquences des crises. Lorsqu'en cas de sécheresse prolongée, l'eau vient à manquer, que les centrales hydroélectriques ne produisent pas assez d'électricité, que plus aucun bateau ne navigue sur le Rhin et qu'il faut en même temps protéger des personnes vulnérables de la chaleur, cela peut être plus violent que la pandémie de coronavirus. Et celle-ci a déjà endommagé durablement la confiance de nombreuses personnes en l'État.

 Daniel Graf: La crise climatique n'attend pas la politique. Cela a-t-il un sens pour toi de t'engager dans une révision totale, qui est un processus plutôt long? Vois-tu des avantages par rapport aux initiatives visant une révision partielle?

 Marcel Hänggi: Pour moi, le plus grand avantage est justement de pouvoir penser grand. Face aux crises environnementales, nous devons le faire. Et des expériences comme celle de la révision de la Constitution en Valais montrent que si l'on voit grand, il est possible de faire des choses qui ne semblent guère possibles dans le quotidien politique.

 Daniel Graf: Depuis des années, tu consacres du temps à la crise climatique et le plus souvent à des «mauvaises nouvelles». Quelle est la dernière bonne nouvelle qui t'a réjoui?

 Marcel Hänggi: Plus haut, j'ai mentionné la pandémie comme une expérience négative. Mais la pandémie a aussi montré que les gens sont capables d'agir rapidement et de manière solidaire. Si l'on veut rendre un État résilient, il ne sert pas à grand-chose de vouloir prévoir toutes les éventualités. Mais peut-être que la Constitution pourrait prévoir que l'État soutienne l'auto-organisation solidaire spontanée de ses citoyennes et citoyens.

Interview: Daniel Graf, Fondation pour la démocratie directe

Marcel Hänggi en bref

Marcel Hänggi, né en 1969, est journaliste et vit avec sa famille à Zurich. Il a écrit plusieurs livres sur les thèmes de la politique climatique, de l'énergie et de la technique. Son dernier ouvrage paru est «Null Öl. Null Gas. Null Kohle». Veiller à l'interdiction des combustibles et carburants fossiles à partir de 2050 était la revendication centrale de l'initiative pour les glaciers que Marcel Hänggi a lancée en 2018 avec Association suisse pour la protection du climat. L'initiative a débouché sur la loi sur la protection du climat. Celle-ci a été acceptée par les citoyennes et citoyens le 18 juin 2023 lors d'une votation référendaire. Actuellement, Marcel Hänggi se penche sur la question de savoir à quoi devrait ressembler une Constitution fédérale moderne, à la hauteur de notre époque marquée par les crises environnementales. L'étude «Eine umweltadäquate Verfassung für die Schweiz» (Une constitution adaptée à l'environnement pour la Suisse) sera publiée dans les prochains mois.


Mise à jour au lieu de stagnation!

La Suisse se trouve à la veille de grands changements. Mais le système politique est dépassé. Contre le blocage des réformes, une mise à jour est désormais nécessaire!

Deviens membre d'un mouvement de citoyens et citoyennes. Aide-nous à lancer le plus grand projet démocratique de Suisse: une initiative populaire pour une Constitution fédérale moderne.

Il est temps de renforcer la démocratie, de briser les blocages et de rendre le changement possible - pour le monde dans lequel nos enfants et petits-enfants vont grandir.

 

Précédent
Précédent

Initiative sur la Constitution: lancement reporté

Suivant
Suivant

Raus aus dem digitalen Stau!